Les Architectes des Bâtiments de France (ABF) jouent un rôle crucial dans la préservation du patrimoine français.
Pourtant, ils sont souvent perçus comme un obstacle dans les projets de rénovation ou de construction.
Dans cet article, nous allons décrypter le rôle des ABF, expliquer leurs missions, et comprendre pourquoi ils cristallisent autant de tensions… souvent injustifiées.
Les ABF sont des architectes fonctionnaires, rattachés aux Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC).
Leur mission principale est de veiller à la conservation du patrimoine bâti et paysager de la France.
Ils interviennent systématiquement dès qu’un projet se situe dans le périmètre de protection d’un monument historique (rayon de 500 mètres) ou dans un secteur sauvegardé.
Ils émettent des avis sur les demandes d’autorisation d’urbanisme (permis de construire, déclaration préalable, ravalement, etc.).
Dans certains cas, leur avis est « simple », dans d’autres, il est « conforme », c’est-à-dire obligatoire et contraignant pour l’administration.
Sur le terrain, le rôle des ABF est source de malentendus.
Pour beaucoup de porteurs de projets, ils sont perçus comme un frein : ils ralentissent l’instruction des permis, refusent des matériaux ou des techniques, imposent des choix esthétiques parfois jugés subjectifs.
Mais ce rejet s’explique aussi par un manque de contact. Les ABF sont rarement accessibles.
Leurs décisions tombent souvent comme des injonctions, sans explication détaillée. Même pour des professionnels du patrimoine ou des architectes, le dialogue peut s’avérer difficile.
Si les ABF paraissent inaccessibles ou rigides, c’est aussi parce qu’ils sont sous l’eau. Voici quelques chiffres clés pour mieux comprendre :
Il n’y a que 189 ABF en France (environ 1 par département).
En 2023, ils ont rendu plus de 530 000 avis sur des projets d’urbanisme.
Cela représente en moyenne 13 dossiers par jour ouvré, par ABF.
Le nombre d’avis rendus a augmenté de 63 % en dix ans, alors que les effectifs n’ont crû que de 6 %.
(Source : Sénat – Rapport d’information 2024)
Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : les ABF n’ont ni le temps, ni les moyens de traiter les dossiers avec toute la pédagogie ou la disponibilité qu’ils aimeraient probablement avoir.
Les ABF doivent souvent arbitrer entre deux logiques contradictoires :
Préserver le caractère historique d’un bâtiment ou d’un quartier.
Permettre l’évolution vers un bâti plus performant, plus accessible, mieux isolé.
Par exemple, une isolation par l’extérieur (ITE) est parfois refusée car elle modifierait l’apparence d’une façade visible depuis un monument historique.
Ce type de décision peut bloquer des projets pourtant vertueux sur le plan environnemental.
Mais leur posture n’est pas arbitraire : elle s’inscrit dans une mission nationale de conservation du patrimoine.
Il ne s’agit pas d’opposer les ABF aux architectes ou aux maîtres d’ouvrage. Il s’agit plutôt d’identifier ce qui pourrait être amélioré pour faciliter la compréhension et la collaboration :
Face à la charge actuelle, 189 ABF ne suffisent pas. Des effectifs renforcés permettraient plus de disponibilité, plus d’écoute, et une meilleure qualité d’accompagnement.
Un refus accompagné d’un croquis ou d’un exemple positif est beaucoup mieux reçu. L’idéal serait que chaque ABF dispose de temps dédié à l’explication.
Certaines DRAC expérimentent des rendez-vous flash avec les porteurs de projet. Ce type de contact humain peut désamorcer de nombreux blocages.
Le rôle des Architectes des Bâtiments de France est essentiel pour faire de notre pays ce qu’il est. Sans eux, combien de centres-villes auraient été défigurés ? Combien de bâtiments anciens auraient été démolis ?
Mais pour qu’ils puissent continuer à remplir cette mission dans de bonnes conditions, nous devons aussi leur donner les moyens d’agir : plus de temps, plus de personnel, plus d’outils pédagogiques.
En tant qu’architecte, je reste convaincu qu’un dialogue franc et respectueux est possible, et nécessaire.
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